Risques liés au travail en hauteur (1)

par | Oct 9, 2024 | Méthodologie de prévention

Les chutes de hauteur restent l’une des principales causes d’accidents au travail. Focus sur les mesures préventives pour réduire ces risques.

Prévenir, une priorité pour la sécurité des salariés

Les chutes de hauteur constituent une des premières causes d’accidents graves et mortels dans le milieu professionnel.

En France, selon les statistiques nationales du régime général (année 2022), 1 600 000 salariés travaillent dans le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (CTN B), soit 8 % des salariés.

Même si tous ne sont pas concernés par les risques liés au travail en hauteur, dans le cas d’une chute, les conséquences pour le salarié sont souvent graves voire mortelle.

Chaque année, les accidents dans le BTP entraînent la perte de plus de 8 millions de journées de travail, ce qui équivaut à l’absence de près de 36 000 emplois à temps plein​.

Lorsque l’accident est grave, la durée moyenne d’arrêt est de 73 jours et les risques d’incapacités permanentes, représentant environ 29 %.

Concernant la mortalité, les chutes de hauteur constituent 63 des décès annuels/95 (bizarrement les chiffres sont exactement les mêmes en 2019 et 2022 🤔).

Juste pour vous rappeler, que c’est fréquent sur la population exposée et que c’est mortel, donc PRIORITAIRE.

Ces risques doivent être correctement évaluer afin de mettre en place les mesures de prévention les plus efficace.

Ce premier article d’une série met l’accent sur le volet réglementaire, bien comprendre pour agir en prévention, puis évaluer et proposer des mesures concrètes pour protéger les travailleurs exposés à ces dangers.

Définition du travail en hauteur

  • Le Code du travail ne définit pas de hauteur minimale à partir de laquelle le travail est considéré comme « en hauteur ». Toutefois, le travail en hauteur implique généralement des activités où la chute présente un risque sérieux, comme depuis des échafaudages, toitures ou plateformes élévatrices.
  • En pratique, les risques de chute à partir de quelques dizaines de centimètres ne justifient pas l’utilisation de dispositifs comme les harnais de sécurité.
  • Les mesures de sécurité s’appliquent typiquement à des hauteurs supérieures à 1 mètre où le risque de chute peut entraîner des blessures graves.
  • Dès qu’une activité se déroule depuis une position surélevée, un dénivelé soit une marche pourrait être considéré comme en hauteur, à proximité d’un vide.

Obligations de prévention

Responsabilité de l’employeur et l’obligation d’évaluer les risques professionnels (article L.4121-1)

L’employeur prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

  • Ces mesures incluent notamment :
    • Des actions de prévention des risques professionnels.
    • Des actions d’information et de formation.
    • La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Pour répondre à cette obligation, l’employeur doit appliquer les 9 Principes généraux de prévention (Article L.4121-2)

Les 9 principes généraux de prévention :

  • Éviter les risques.
  • Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités.
  • Combattre les risques à la source.
  • Adapter le travail à l’homme.
  • Tenir compte de l’évolution de la technique.
  • Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux.
  • Planifier la prévention.
  • Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.
  • Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il s’applique dans l’ordre où ils sont écrits, ils s’utilisent de manière complémentaire

Pour compléter (Articles R.4121-1 / R.4121-2 / R.4121-3)

  • Chaque employeur doit transcrire et mettre à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
  • Le DUERP doit comprendre l’inventaire des risques identifiés pour chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement.
  • Le document unique doit être mis à jour :
    • Au moins une fois par an pour les entreprises d’au moins 11 salariés.
    • Lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
    • Lorsqu’une information supplémentaire concernant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.
  • L’employeur doit conserver le DUERP pour assurer la traçabilité des expositions aux risques.
  • Ce document doit être tenu à la disposition :
    • Des travailleurs.
    • Des membres du comité social et économique (CSE).
    • Des agents de l’inspection du travail.
    • Des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des services de santé au travail.

Ces articles s’appliquent à tous les risques auxquels les salariés sont concernés ainsi qu’aux risques de chutes de hauteur. En effet, il est indispensable d’identifier les situations dangereuses, de les analyser, puis de prendre les mesures appropriées pour éviter les accidents.

Dans la pratique, cela signifie que l’employeur doit tout d’abord s’efforcer de supprimer les situations à risque, par exemple en privilégiant les travaux au sol plutôt qu’en hauteur, lorsque cela est possible.

Montage d’un maximum d’éléments de charpente au sol, puis manutention de la charpente avec une grue, la fixation de la charpente aux murs se fait à l’aide d’une nacelle à l’intérieur du bâtiment.

Si la suppression du risque n’est pas envisageable, l’évaluation des risques doit permettre de choisir les équipements de protection les plus adaptés, tels que les garde-corps ou les plateformes de travail sécurisées.

Formation aux risques, une obligation légale

Les articles suivants imposent une obligation pour l’employeur d’informer et de former les salariés aux risques professionnels, afin de prévenir les accidents du travail et de préserver leur sécurité et leur santé.

Article L.4141-1

  • Cet article impose à l’employeur de mettre en place une formation à la sécurité pour les salariés afin qu’ils soient informés sur les risques liés à leur poste de travail. Cette formation doit permettre aux salariés de connaître les dangers potentiels et les mesures de prévention à adopter.
  • L’objectif est de leur fournir les compétences nécessaires pour réagir de manière appropriée face aux risques spécifiques à leur activité.

Article L.4141-2

  • L’article précise que la formation doit être dispensée au moment de l’embauche, lorsque le salarié change de poste ou de technique, et chaque fois que des risques nouveaux apparaissent.
  • Cela inclut la formation aux risques spécifiques à certains postes de travail, comme le travail en hauteur, la manipulation de produits dangereux, ou l’utilisation de machines spécifiques.

Article L.4141-3

  • Cet article ajoute que la formation à la sécurité doit être adaptée à la nature des risques liés à l’activité de l’entreprise et aux conditions d’exercice de chaque poste de travail.

Obligations Spécifiquement aux risques liés au travail en hauteur

Travail en hauteur et prévention Article R.4323-58

  • Ce texte impose aux employeurs d’utiliser des équipements de travail permettant d’assurer la sécurité des travailleurs, en particulier lors de travaux temporaires en hauteur.
  • L’employeur doit choisir des équipements de travail appropriés pour assurer la protection contre les chutes. Les échafaudages, plates-formes de travail et nacelles doivent être choisis et utilisés de manière à prévenir les risques de chute.

Utilisation des échelles et escabeauxArticle R.4323-63

  • Les échelles, escabeaux et marchepieds ne peuvent être utilisés comme postes de travail en hauteur que lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement. Leur utilisation doit être limitée à des cas particuliers et pour de courtes durées, notamment lorsque le risque est faible et qu’aucun autre moyen de protection collective n’est possible.
  • Cela implique que pour tout travail prolongé en hauteur, des moyens plus sûrs comme les échafaudages ou les nacelles doivent être préférés.

Mise en place de dispositifs de protection collectiveArticle R.4323-59

  • Cet article impose que lorsque des protections collectives comme des garde-corps ou des filets de sécurité sont techniquement possibles, elles doivent être mises en place avant d’envisager des équipements de protection individuelle.
  • Ces dispositifs doivent être installés et maintenus de façon à garantir la sécurité des travailleurs.

Formation à la sécurité pour le travail en hauteurArticle R.4141-13

  • L’employeur a l’obligation de former les travailleurs à la sécurité pour les tâches spécifiques qu’ils doivent accomplir. Cela inclut la formation pour l’utilisation des équipements de protection individuelle (EPI) comme les harnais de sécurité et les longes, ainsi que pour le montage, le démontage et l’utilisation sécurisée des échafaudages.
  • La formation doit être adaptée aux conditions de travail et aux risques particuliers liés à la hauteur.

Entretien et vérification des équipementsArticle R4323-31

  • Les équipements de travail utilisés pour les travaux en hauteur, tels que les échafaudages ou les systèmes de protection contre les chutes, doivent être entretenus régulièrement et faire l’objet de vérifications périodiques.
  • L’objectif est de garantir que ces équipements sont en bon état de fonctionnement et qu’ils continuent de répondre aux normes de sécurité requises.

Recommandations Spécifiques aux risques liés au travail en hauteur

Priorité aux protections collectives

  • La recommandation R408 – Montage, utilisation et démontage des échafaudages de pied, elle souligne la priorité à donner aux protections collectives comme les garde-corps et les filets de sécurité sur les chantiers. Elle fournit des directives sur le montage et l’utilisation des échafaudages de pied pour éviter les chutes de hauteur.

Limiter le recours aux échelles et escabeaux

  • La recommandation R457 – Prévention des risques liés au montage, au démontage et à l’utilisation des échafaudages roulants, précise que les échelles et les escabeaux ne doivent être utilisés que pour des travaux de courte durée et à faible risque. Elle propose des alternatives plus sûres, telles que les échafaudages roulants et les plateformes individuelles.

Formation des travailleurs temporaires

  • La recommandation R418 couvre tous les travaux temporaires en hauteur et propose des solutions pratiques pour éviter les chutes lors de travaux de construction, de maintenance ou de nettoyage sur des structures élevées. Elle met l’accent sur la priorité à donner aux dispositifs de protection collective, comme les garde-corps ou les systèmes de ligne de vie horizontale, avant d’utiliser des équipements de protection individuelle (EPI) comme les harnais.

Pourquoi est-ce important ?

Les recommandations joue un rôle crucial dans la prévention en fournissant un cadre de bonnes pratiques aux employeurs, bien que juridiquement elles ne soient pas contraignante, elles servent de référence pour l’inspection du travail et les tribunaux lorsqu’il s’agit d’évaluer la conformité des mesures de prévention mises en place par l’employeur.

  • Valeur juridique des recommandations : Les recommandations peuvent influencer la responsabilité de l’employeur en cas de litige. Si un employeur ne suit pas ces recommandations et qu’un accident survient, cela peut être utilisé pour démontrer un manquement à son obligation de résultat concernant la sécurité des salariés.
  • Faute inexcusable : En cas d’accident grave ou mortel, un salarié ou ses ayants droit peuvent invoquer le contentieux civil : la faute inexcusable de l’employeur. Pour qu’une telle faute soit reconnue, il faut démontrer que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’éviter. Dans ce contexte, le non-respect des recommandations de sécurité peut renforcer la démonstration de cette conscience du risque​.
  • Sanctions pénales et civiles : Lorsqu’un accident survient et que des règles de sécurité ne sont pas respectées, l’employeur peut être poursuivi pénalement, surtout si le manquement aux mesures de sécurité est qualifié de « violation manifestement délibérée » de la loi.

Les tribunaux prennent alors en compte la qualité des mesures de prévention mises en place par l’employeur, y compris la prise en compte des recommandations de bonnes pratiques​.

La prévention des risques liés au travail en hauteur repose sur la protection collective, l’organisation du travail, la préparation en amont des chantiers pour garantir l’obligation de résultat en matière de sécurité.

Même si le non-respect des recommandations nationales ne conduit pas automatiquement à une condamnation, leur prise en compte est essentielle pour l’employeur.

Elles constituent un standard de bonnes pratiques préconisées par la branche professionnelle, elles sont là pour aider l’employeur a respecté ses obligations de sécurité.

Evaluation et l’amélioration continue

Pour garantir une prévention efficace, il est essentiel que l’évaluation des risques soit régulièrement mise à jour, notamment lors de la survenue d’un nouvel incident ou accident, des changements d’organisation du travail, de modification technique…

La prévention des risques liés au travail en hauteur est une nécessité absolue pour la sécurité des salariés.

Dans l’article Risques liés au travail en hauteur (2), j’aborde la partie comment les prévenir.

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