Depuis la sortie du décret n°2011-354 du 30 mars 2011 qui introduit les facteurs de pénibilité des risques professionnels, les entreprises sont tenues d’agir sur ces facteurs pour protéger la santé des salariés.
Nous verrons l’aspect réglementaire pour bien comprendre les principes de pénibilité (qui est concerné, facteurs, seuils, le compte C2P, les liens avec la réforme des retraites de 2023, les moyens d’agir) et les droits à la retraite.
Table
1/. Genèse du texte
De nombreuses études démontrent que la pénibilité au travail réduit l’espérance de vie.
Un ouvrier vit en moyenne, presque huit ans de moins qu’un cadre. Un cadre bénéficiera de 8 ans de plus de sa retraite.
Au vu de ces éléments et à la demande des organisations professionnelles, le législateur décide en 2011 d’écrire un décret sur le sujet.
La volonté du texte était de lutter contre l’usure professionnelle en laissant place au dialogue social en entreprise pour construire des accords permettant de réduire voire de supprimer l’exposition des salariés aux 10 facteurs de risques de pénibilité, d’améliorer les conditions de travail.
La philosophie voulait que les employeurs et les salariés se mettent d’accord sur les facteurs qui seront retenus dans leur entreprise, des seuils (qui auraient pu être différent d’une entreprise à l’autre) et des actions qui permettent de préserver la santé des salariés.
Mais hélas, tant les syndicats patronaux que salariés, demandent au législateur : des critères, des seuils, s’en suit de nombreuses réformes du texte original, toujours en défaveur des salariés. Les entreprises ayant été incapables de négocier en interne.
Rares sont les accords ou plan d’action ayant réellement fait de la prévention, beaucoup d’accord on choisit la compensation financière fasse à l’exposition aux facteurs de pénibilité, de la formation… et non la préservation de la santé des salariés.
2/. Principe de pénibilité au travail aujourd’hui :
Pour qui ?
Tous les salariés ayant un contrat de droit privé (régime général, régime agricole) quelques soient son contrat de travail (CDI, CDD, apprenti, intérimaire, saisonnier) et exposés à des facteurs de risques disposent d’un compte professionnel de prévention. Le compte est propre à chaque salarié, les données le suivent d’un employeur à un autre.
Quels critères de pénibilité ?
10 facteurs de pénibilité sont concernés en entreprise cependant depuis le 1/01/2018, seul 6 facteurs de pénibilité compte dans le compte professionnel de prévention.
Concrètement ça veut dire, que si vous êtes exposés à de la manutention de charges lourdes, des postures pénibles, des vibrations mécaniques ( l’article R. 4441-1) et des expositions aux agents chimiques dangereux, en tant que salarié vous n’avez plus droit à des « points » pour la retraite.
Voici les 6 critères de pénibilité retenus depuis le 1er janvier 2018 :
- Travail de nuit
- Travail en équipes successives alternantes (exemple : travail posté en 5×8, 3×8)
- Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte
- Activités en milieu hyperbare
- Températures extrêmes
- Bruit
Quels seuils ?
| Facteur de risques professionnels | Intensité minimale | Durée minimale |
| Travail de nuit (articles L. 3122-29 à L. 3122-31) | 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 100 nuits/an |
| Travail en équipes successives alternantes (exemple : travail posté en 5×8, 3×8) | Travail en équipe impliquant au minimum 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 30 nuits/an |
| Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte (l’article R. 4541-2) | – 15 actions techniques ou plus pour un temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes – ou 30 actions techniques ou plus par minute pour un temps de cycle supérieur à 30 secondes variable ou absent | 900 heures/an |
| Facteurs de risques professionnels | Intensité minimale | Durée minimale |
| Activités en milieu hyperbare : Lieu où la pression est supérieure à la pression atmosphérique (ex : sous l’eau, caisson hyperbare, enceinte de confinement de réacteur nucléaire) | 1 200 hectopascals | 60 interventions ou travaux/an |
| Températures extrêmes | Température inférieure ou égale à 5° ou supérieure ou égale à 30° | 900 heures/an |
| Bruit (‘article R. 4431-1) | – Exposition quotidienne à un bruit d’au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures – Exposition à des bruits impulsionnels (brefs et répétés) d’au moins 135 décibels | – 600 heures par an – 120 fois par an |
C’est à l’employeur de déclarer l’exposition des salariés au-delà des seuils réglementaires des 6 facteurs de pénibilité.
Le compte professionnel de prévention C2P ou CPP ?
Depuis le 1/01/2015, création pour tous les salariés concernés du compte professionnel de prévention (C2P ou CPP) qui permet de suivre l’exposition des salariés aux critères de pénibilité et d’acquérir des points donnant du droit supplémentaire pour la retraite.
Et depuis la réforme du 1er septembre 2023 ?
Introduction de la poly exposition pour les salariés, c’est à dire que les facteurs ne sont plus pris en compte séparément, ils peuvent se cumuler.
Mais les droits sont réduits concernant :
- le travail de nuit, 1 point est octroyé toutes les 100 heures de travail de nuit (au lieu de 120 heures avant la réforme)
- le travail en équipes alternées, 1 point toutes les 30 heures de travail en (contre 50 heures avant réforme).
3/. Des accords en faveur de la prévention des risques professionnels qui s’appliquent au monde du travail
Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises doivent sous certaines conditions négocier un accord collectif ou un plan d’action sur la prévention de la pénibilité au travail, sous peine de pénalité (Code du travail article D.4162-1).
Conditions liées à l’effectif, à l’exposition ?
Les entreprises de moins 50 salariés, qui sont couvertes par un accord de branche étendu comprenant les thèmes obligatoires prévus dans le Code du travail n’ont pas l’obligation de négocier un accord mais elles doivent conclure un plan d’action.
Les entreprises de 50 salariés et + ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés ont l’obligation de négocier un accord collectif en faveur de la prévention des effets de l’exposition à certains risques professionnels ou, à défaut, d’établir un plan d’action, dès lors qu’elles remplissent au moins l’une des 2 conditions suivantes :
• au moins 25 % des salariés sont exposés à au moins un des 6 facteurs de risque et donc déclarés au titre du C2P ;
• le niveau de sinistralité au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est supérieur à 0,25 (seuil déterminé dans le Code du travail article D.4162-1).
« égal au rapport, pour les trois dernières années connues, entre le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles imputés à l’employeur, à l’exclusion des accidents de trajet, et l’effectif de l’entreprise tel que défini à l’article R.130-1 du code de la sécurité sociale ».
Cet accord ou plan d’action doit être conclu pour maximum 3 ans, est déposé auprès des Directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités du siège social de l’entreprise (DESSTS).
L’accord est en faveur de la prévention, il concerne donc les 10 facteurs de risques (et pas seulement les 6), il faut négocier des actions de prévention également pour la prévention : des agents chimiques dangereux, des postures pénibles, des vibrations et des manutentions manuelles de charges
Exemple de négociation :
Une infirmière qui travaille en 12h, toutes les données statistiques épidémiologiques prouvent que c’est néfaste pour la santé. Un accord intégrant la prévention serait négociée de la façon suivante :
- en 2023, passage en 11h, plus aucun recrutement en 12h pour les nouveaux embauchés ;
- en 2024, passage en 10h, en organisant le travail, réalisant des embauches
- en 2025, passage en 9h, en équipement les équipes, poursuivre les travaux d’organisation du travail
- en 2026, passage en 8h
Le décret n°2023-760 du 10 août 2023 prévoit également qu’une annexe C2P soit rédigée et ajoutée au DUERP (ordonnance 2017-1389 et à l’article L.4163-1 du Code du travail), les actions doivent être intégrées au PAPRIPACT de l’entreprise.
Exemple de l‘impact des horaires atypiques.
4/. Droit à la retraite
Cumul de points ?
En fonction de l’exposition aux facteurs de pénibilité et des seuils limites, les salariés exposés cumulent des points de pénibilité sur le compte C2P.
Si vous aviez acquis des points avant le 1/01/2018 concernant les 4 facteurs de pénibilité qui ne sont plus comptés, ces points ont été transférés dans le nouveau compte.
Les points, quelles utilisations ?
3 modalités d’utilisation des points sont possibles :
• la formation professionnelle (dans le cadre d’une réorientation professionnelle) ;
• l’aménagement du temps de travail avec maintien de la rémunération ;
• l’anticipation du départ à la retraite (majoration de durée d’assurance vieillesse au titre du C2P).
Plafond de points ?
Le C2P est déplafonné depuis le 1/09/2023, ce qui signifie qu’on accepte que vous ayez du travail pénible, de l’usure professionnelle, on perd complètement la philosophie du texte d’améliorer les conditions de travail pour protéger la santé des salariés.
Seulement le nombre de points cumulés après 60 ans ne peut pas être supérieur à 80 points, ce qui signifie que le salarié ne pourra pas partir plus de deux ans avant l’âge légal de départ soit 64 ans (variable en fonction de votre âge légal).
Utilisation des points ?
- 1 point permet de financer une formation de 500 euros, soit 25 heures de formation professionnelle ;
- 10 points permettent de passer à temps partiel payé comme un temps plein durant quatre mois ;donnent droit à 1 trimestre de temps partiel (de 20% à 80% d’un temps complet) payé comme un temps plein
- Les trimestres de retraite acquis par le C2P sont mieux pris en compte dans le calcul de la retraite ; 10 points donnent droit à 1 trimestre de cotisation de retraite. Avec 80 points, le salarié peut ainsi acquérir 8 trimestres, soit 2 annuités de retraite
- Les 20 premiers points ne peuvent être utilisés que pour financer une formation de reconversion professionnelle à un métier moins pénible.
- Les points suivants peuvent servir à financer un complément de revenu permettant de travailler à temps partiel sans baisse de salaire
- OU à partir plus tôt à la retraite (dans le respect de l’âge légal).
Les 4 facteurs de risque qui ont été supprimés des facteurs de pénibilité ne sont pas déclarés au C2P cependant si un salarié, victime d’une MP a obtenu une incapacité partielle permanente (IPP) d’au moins 10 %, il aura droit à un départ en retraite anticipé (toujours dans le respect de l’âge légal en vigueur). Pour rappel les 4 facteurs sont :
- Les manutentions manuelles de charges ;
- Les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
- L’exposition à des agents chimiques dangereux (ACD) ;
- Les vibrations mécaniques.
Modalités de déclaration ?
C’est l’employeur qui déclare les durées d’exposition pour chaque salarié en renseignant la fiche pénibilité. Ces informations sont envoyées via la déclaration sociale nominative (DSN).
Comment faire la demande de retraite pour pénibilité ?
Vous adressez à votre caisse de retraite qui vous donnera un document Cerfa à renseigner.
Consulter son compte pénibilité ?
Le salarié se connecte sur son compte professionnel d’activité. Il verra son nombre de points, les points C2P à utiliser pour financer une formation et les autres points cumulés pour départ anticipé à la retraite. Site : compteprofessionnelprevention.fr pour plus d’information.
C’est finance comment ?
Le financement d’un fonds a été créé à la création du texte initial, les fonds existent et on était prélevé sur la branche ATMP.
Depuis le 1er janvier 2018, le dispositif C2P est géré par la branche AT/MP. Son financement est assuré par la branche AT/MP pour les salariés du régime général et par la MSA pour les salariés du régime agricole.

