Obligation de résultat ou de moyens : que dit la règlementation ?

par | Juin 28, 2025 | Réglementations et obligations

La prévention des risques professionnels ne relève pas d’un simple devoir moral : elle est encadrée par une obligation légale exigeante qui engage directement la responsabilité de l’employeur.

L’obligation de l’employeur en matière de santé et sécurité : une obligation de résultat

L’article L.4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de :

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Cela signifie que l’employeur est tenu à une  » obligation de résultat  » : il ne suffit pas de démontrer sa bonne volonté ou les efforts déployés, le résultat attendu est la préservation effective de la santé et de la sécurité des salariés, qui se traduit par l’absence d’accident du travail et de maladie professionnelle grave ou mortelle.

Pour respecter cette obligation, il doit :

  • Mettre en œuvre des actions de prévention des risques professionnels
  • Traiter les questions de pénibilité prévues à l’article L. 4161-1,
  • Assurer l’information et la formation des salariés,
  • Mettre en place une organisation du travail et des moyens adaptés pour prévenir les atteintes à la santé.

Et surtout, il doit appliquer un socle fondamental : les 9 principes généraux de prévention définis à l’article L.4121-2.


Les 9 principes généraux de prévention : une logique d’ordre et de complémentarité

Ces 9 principes sont énoncés dans un ordre précis depuis la recodification du Code du travail en 2008.

Avant cette date, ils étaient classés par lettres (A à I), ce qui a donné lieu à des contentieux, certains employeurs ayant fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’un ordre hiérarchique à suivre.

Depuis 2008, ils sont numérotés de 1 à 9, ce qui implique un ordre d’application logique :

  1. Éviter les risques
  2. Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
  3. Combattre les risques à la source
  4. Adapter le travail à l’homme
  5. Tenir compte de l’évolution de la technique
  6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou l’est moins
  7. Planifier la prévention
  8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
  9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs

👉 Cet ordre est important : on ne commence pas par les formations et les consignes ou des EPI. Il faut d’abord chercher à éviter/supprimer, évaluer ou réduire le risque à la source.

Ces principes sont aussi complémentaires : plusieurs peuvent être combinés pour agir efficacement sur un même risque, avec pour objectif de supprimer ou réduire au maximum l’exposition et les effets sur la santé.


Une Jurisprudence tente l’atténuation sous conditions très strictes

En novembre 2015, la Cour de cassation a rendu un arrêt majeur (Air France, 25 nov. 2015, n°14-24.444), marquant un tournant.

Dans certaines situations, et à condition très stricte, elle admet qu’un employeur puisse ne pas être tenu responsable d’un dommage si toutes les mesures de prévention prévues aux articles L.4121-1 et L.4121-2 ont été effectivement mises en œuvre.

Autrement dit, dans des cas particuliers (notamment les risques psychosociaux), l’obligation de sécurité peut être interprétée comme une obligation de moyens renforcée, à condition de prouver :

  • L’évaluation complète des risques à partir du travail réel,
  • L’application des 9 principes dans l’ordre,
  • L’information et la formation du personnel,
  • La concertation avec les salariés et les représentants du personnel,
  • La traçabilité des actions menées.

⚠️ En réalité, peu d’entreprises sont en mesure d’apporter cette démonstration rigoureuse.

La majorité se limite encore souvent à la fourniture d’EPI ou à des consignes de sécurité, sans traiter le risque à la source, sans même l’évaluer.


Une responsabilité intacte

Même avec cet assouplissement jurisprudentiel partiel, la réglementation reste exigeante. Les juges continuent de rappeler la responsabilité de l’employeur sur les accidents graves, maladies professionnelles ou expositions prolongées à des risques, surtout quand les actions de prévention sont jugées insuffisantes.

Il est donc essentiel que les employeurs s’engagent dans une démarche de prévention structurée à partir du travail réel et en appliquent dans le bon ordre les principes généraux de prévention, en évitant de se réfugier uniquement derrière des équipements ou des procédures, souvent insuffisants s’ils ne sont pas précédés d’une vraie politique de suppression ou réduction des risques.


En résumé pour l’employeur :

L’obligation de sécurité reste une obligation de résultat dans la majorité des situations.
✅ Une atténuation jurisprudentielle existe depuis 2015, mais elle est conditionnée à la démonstration d’une démarche de prévention irréprochable.
✅ Les 9 principes de prévention doivent être appliqués dans l’ordre, et de façon complémentaire.
✅ Les EPI ne suffisent pas à eux seuls à remplir l’obligation de sécurité.
Documenter, former, dialoguer, évaluer, et agir à la source sont les clés d’une protection solide… et d’une défense en cas de contentieux.


📌 À retenir : la prévention ne se mesure pas à l’intention, mais à l’impact réel sur la santé et la sécurité des salariés.

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