Juillet 2025 : analyse des annonces du gouvernement

par | Juil 18, 2025 | Méthodologie de prévention

Aujourd’hui, je vous propose une analyse critique des récentes annonces du gouvernement, faite début juillet 2025, suite aux chantiers des Jeux Olympiques.
Il s’appuie sur l’expérience d’un chantier d’exception, hautement surveillé, ultra contrôlé, sous pression politique internationale.
Pourtant, la France est face à l’augmentation dramatique des morts au travail avec 1287 salariés en 2023 et notamment chez les jeunes.

Triste réalité pourtant entre mai et juin 2025 , 5 jeunes sont décédés sur leur lieu de travail Cependant les jeunes qui meurent au travail ne sont pas sur les chantiers mais dans les entrepôts, les exploitations agricoles, les PME du BTP
Ce décalage, c’est l’aveu d’une politique déconnectée de la réalité.
Ce triste bilan met en lumière un système défaillant : absence de réelle prévention, absence de contrôle, affaiblissement de l’inspection du travail, assouplissement des règles de protection…

Pendant ce temps, la réponse officielle se concentre essentiellement sur la formation, comme si former suffisait à prévenir.
Or, le Code du travail dit autre chose.

5 morts en deux mois : des accidents évitables !

5 dates, 5 jeunes, 5 morts.
Lorenzo, 15 ans, percuté par un engin de chantier.
Lucas, 17 ans, écrasé par une poutre métallique.
Axel, 16 ans, tué par une palette dans un entrepôt Gifi.
Matis, 19 ans enseveli sous du goudron et une stagiaire agricole de 19 ans.

Dans la plupart de ces cas, les fondamentaux de la prévention n’ont pas été respectées :

  • stagiaires affectés à des tâches dangereuses,
  • absence d’évaluation des risques et de mesures de prévention spécifique par les employeurs mais également par les écoles qui les placent
  • pas ou peu d’accueil des nouveaux
  • absence de formation aux risques encourus
  • jeunes sans encadrement ou mal encadré.

Les enquêtes sont ouvertes pour homicides involontaires. Mais cela suffira-t-il à faire évoluer la prévention en entreprise ?

Gouvernement annonce du 10/07 de la ministre du travail porte sur Lutte contre les accidents du travail graves et mortels

Avec la Signature d’une instruction conjointe relative à la politique pénale du travail en matière de répression des manquements aux obligations de santé et de sécurité

Un groupe de ministre a signé et présenté aux parquets une instruction renforçant la politique pénale concernant le droit du travail en matière de santé et de sécurité.

Cette instruction vise principalement à mettre en place une coopération entre l’inspection du Travail (IT) et les services judiciaires en matière de sanctions des entreprises à la suite d’accidents du travail graves et mortels (ATGM) ou de manquements à leurs obligations de santé et de sécurité des employés.

Cette instruction répond à une attente forte des victimes et de leur famille d’une réponse pénale plus rapide et d’un meilleur accompagnement.

L’instruction du gouvernement comporte trois grands axes et prévoit :

1) Le renforcement de la mobilisation des outils coercitifs

  • La mobilisation par les agents de l’IT de leur pouvoir de verbalisation des infractions qui mettent gravement en cause la sécurité des travailleurs et ce même en l’absence d’AT
  • La priorisation par les DREETS du recours à la transaction pénale en l’absence de la survenance d’AT qui permet, outre l’amende transactionnelle, la régularisation par la prise de mesures complémentaires ; la circulaire précise que les procureurs veilleront à engager des poursuites lorsque les mis en cause auront refusé le principe d’une transaction pénale ou n’auront pas respecté les termes de la transaction homologuée ;

Ce qui existait déjà avant l’instruction :

Les inspecteurs du travail peuvent déjà dresser procès-verbal pour infractions aux règles de santé-sécurité, même sans accident (Code du travail, L.8112-1 et suivants).

Les agents de contrôle peuvent déjà proposer une transaction pénale depuis le décret du 7 octobre 2016.

Les parquets peuvent poursuivre l’entreprise ou ses dirigeants si la transaction est refusée ou non respectée.

✅ Les DREETS priorisent déjà certaines infractions (ex. : chutes de hauteur, équipements non conformes, non formation, jeunes en poste à risque).

2) Le renforcement de la réponse pénale en cas d’accident ou de risque grave

  • à l’égard de l’ensemble des acteurs impliqués, y compris, lorsqu’ils existent, des maîtres d’ouvrage et/ou donneurs d’ordre et non pas uniquement de l’employeur alors que le Code du travail prévoit explicitement des obligations incombant aux donneurs d’ordre et qui permettent de les poursuivre ;
  • Une coordination interinstitutionnelle accrue avec la poursuite du développement de la cosaisine concomitante par le parquet de l’IT et des agents de police judiciaire pour accélérer les enquêtes, la participation à l’audience des agents l’IT ou encore des rencontres régulières des magistrats référents en matière de droit pénal du travail et les référents justice de l’IT.

3) Le renforcement de l’accompagnement des victimes et de leurs familles

  • à l’égard des victimes d’AT et leurs familles avec, le renforcement des partenariats des parquets avec les associations d’aide aux victimes pour la prise en charge immédiate et adaptée à la suite d’AT et la dispensation par l’IT des informations sur les voies et moyens permettant la demande de réparation des préjudices et l’orientation vers les structures de prise en charge (unités médico-sociales, associations de victimes). Réparation quand on a perdu un enfant !

Le déploiement devrait être assuré par des fiches techniques diffusées aux services des parquets et de l’Inspection du Travail.

Responsabilités diluées, sanctions symboliques ?

Le gouvernement annonce « Interdire le recrutement pendant une certaine durée d’un apprenti et l’accueil de stagiaires par un employeur condamné pour faute inexcusable et/ou pour homicide et blessures involontaires ».

Encore une fois, attendre le drame pour interdire ce n’est toujours pas de la prévention, on agit en réaction. Donc il est permis d’en tuer 1 ?
Sachant qu’il est déjà prévu que l’inspection du travail puisse s’y opposer, sans décision judiciaire préalable.

Article L6225-1 du Code du travail : « Lorsque l’inspecteur du travail constate, après mise en demeure restée sans effet, que l’une des conditions de travail ou d’emploi des apprentis n’est pas respectée, il peut s’opposer à tout nouvel engagement d’apprenti par l’employeur. »

Qu’est il prévu en matière de sanctions ?

375 000 € maximum en cas d’homicide involontaire avec manquement délibéré à une obligation de sécurité. En pratique : l’amende moyenne est de environ 35 000 € selon Politis)

  • Sachant qu’entre 2012 et 2021, 963 entreprises ont été condamnées en France pour homicide involontaire lié à un accident du travail, selon les données du ministère de la Justice rapportées par Politis.
  • Sur cette période, il y a eu 5 709 décès liés aux accidents du travail ont été enregistrés Politis.
  • Ce qui fait en moyenne 107 condamnations par an, pour 571 décès annuels en moyenne.
  • Il faudra prouver l’homicide involontaire avec manquement délibéré alors que 56 % des accidents du travail (2021) sont des malaises mortels (arrêt cardiaque, AVC, syncope, anévrisme) et donc difficile d’aller sur ce champ.
  • Quant aux dirigeants, ils échappent toujours majoritairement aux poursuites, puisque l’instruction recommande de privilégier les poursuites contre les personnes morales… Ce qui concerne 45 % des entreprises en France

Comment espérer un effet dissuasif dans ces conditions ?

La ministre évoque « quelques brebis galeuses » parmi les employeurs, alors que les constats sur le terrain sont :

L’enquête DARES Analyse (N° 19, mars 2024) indique que, pour 2019 :

  • 46 % seulement des établissements avaient un Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) mis à jour au cours des 12 derniers mois, couvrant 72 % des salariés

Le gouvernement annonce : « Imposer à l’employeur de transmettre au CSE, à l’inspection du travail, à la CARSAT et au service de prévention et de santé au travail (SPST) un rapport d’analyse pour les accidents du travail les plus graves ».

Cette proposition est surprenante, c’est déjà une obligation d’analyser les accidents du travail (L4121.1) et de mettre à jour le DUERP.

De plus, dans les entreprises dotées de CSE, l’enquête en matière d’accident doit être mené conjointement et la transmission du rapport d’enquête à l’inspection du travail est déjà obligatoire.

Selon une enquête de l’Inspection du travail menée en 2025 dans 2 000 établissements à risques, il en ressort que :

  • Dans plus de la moitié des cas, les entreprises n’ont pas réévalué les risques professionnels après un accident ;
  • Et dans près de la moitié des cas, aucune mesure de prévention nouvelle n’a été mise en place : 24,3 % n’ont rien mis en place, et 25,1 % n’ont agi que partiellement


Pour vous aider :

La solution miracle du gouvernement : la formation

Le gouvernement propose de renforcer la formation des jeunes, des encadrants, voire des employeurs eux-mêmes.

Comme je dis souvent aux employeurs, la formation ne sauvera jamais la vie d’aucun salarié

Proposer la formation comme réponse par défaut, c’est admettre qu’on ne sait pas quoi faire. C’est une solution facile, à la portée de n’importe qui, mais qui ne relève pas d’une démarche rigoureuse de prévention.

Mais la formation ne remplace pas une suppression du danger, du risque.

Le Code du travail est clair : la formation vient en dernier.
Article L.4121-2 : les mesures de prévention doivent respecter un ordre hiérarchique, où former est le 9ᵉ et dernier levier. Avant, il faut :

  • Éviter les risques
  • Évaluer les risques
  • Combattre les risques à la source
  • Adapter le travail à l’homme, etc.

👉 C’est une logique de responsabilisation individuelle, au détriment d’une obligation de moyens collectifs, organisationnelle.

Effet d’annonce ou réelle volonté ?

Beaucoup de points existent déjà, le gouvernement vient juste réaffirmé des existants, pourtant la réalité est là, des salariés meurent encore au travail et la France fait partie des mauvais de la classe à l’échelle CE.

En avril 2022, d’après la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a publié. Seul la France et l’Espagne de l’UE27, n’atteindront pas l’objectif du zéro accident de travail en 2030.

Le Code du travail donne un cap fondamental: évaluer, éviter, supprimer, substituer. Ce discours inverse l’ordre. Les morts au travail ne sont pas du à des erreurs individuelles EPICEA . Ce sont les symptômes d’un abandon politique et institutionnel de la prévention.

Si la sécurité au travail est une priorité, alors redonnons à l’inspection du travail, aux CSE, aux médecins du travail, aux branches professionnelles les moyens d’agir en prévention. Et surtout : cessons de croire que former suffira.

POUR TRAVAILLER SUR LE SUJET :

1. C’est quoi un accident du travail ?
Comprendre les différents types d’accidents du travail et de maladies professionnelles est essentiel.Découvrez dans cet article ce que sont les accidents du travail, de mission, de trajet, bénins, ainsi que les maladies professionnelles et comment ils peuvent affecter la vie professionnelle. Bien connaître les définitions permet de comprendre les enjeux, les conséquences et les droits des salariés et des employeurs.
Comprendre avant d’agir Cliquer ici
2. Comment analyser un accident du travail ?
L’analyse d’un accident du travail est une étape essentielle pour comprendre les causes et les circonstances de l’accident. Elle sert à identifier les mesures de prévention à mettre en place pour éviter qu’il ne se reproduise.Un accident du travail n’est jamais une fatalité, n’est jamais du au hasard, ni une inattention, ni un mauvais réflexe, ni une mauvaise habitude…Vous serez gagnant à analyser vos accidents du travail, vous allez tout d’abord répondre à l’obligation réglementaire. Et ainsi éviter que vos accidents se renouvellent, vous allez également apprendre plein de choses sur votre entreprise.
Analyser pour agir – Lire l’article Cliquer ici
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3. Passer à l’action pour ne plus que ça se renouvelle
Après avoir réaliser vos actions d’analyses (situation de travail / accident de travail) et dévaluation des risques professionnels, vous avez déterminé des mesures d’actions prioritaires. Vous allez créer un plan d’action afin de suivre l’avancement de ce programme.
Mesures de prévention – Lire l’article Cliquer ici
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