Prévention des risques liés aux horaires atypiques

par | Juil 6, 2025 | Méthodologie de prévention, Approfondissement

On parle ici de tous les temps de travail non habituel. Les horaires atypiques, tels que le travail ayant lieu entre 21h et 6h, les horaires successifs (2×8, 3×8, 2×5…), les horaires irréguliers, le nombre d’heures excessif, sont courants dans le mode de l’entreprise.

Cependant, ces horaires peuvent avoir des conséquences significatives sur la santé des salariés. Dans cet article, nous examinerons les principaux risques associés aux horaires atypiques et mettons en évidence l’importance de la prévention pour préserver la santé des salariés.

Plusieurs professions sont concernées : les métiers de la santé, de la restauration, du spectacle, de l’industrie, du transport…

On observe une recrudescence du travail dit en « horaires atypiques » malgré une réglementation stricte (pour le travail de nuit) dans le code du travail aux articles L.3122-1 à L.3122-24. « Le recours au travail de nuit doit en tout état de cause être exceptionnel. Il doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale ». Extrait de cour de cassation

Rappelons également que depuis le 1er janvier 2018, le travail de nuit et le travail en équipes successives alternantes (exemple : travail posté en 5×8, 3×8) font partie des facteurs de pénibilité à prendre en compte individuellement pour chaque salarié.

1. Le travail de nuit, entre 21h et 6h :

Le travail de nuit est souvent considéré comme le plus perturbant pour la santé.

Le décalage entre les horaires de travail et le rythme circadien naturel peut entraîner des problèmes de sommeil, de fatigue chronique, de troubles métaboliques et d’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires.

De plus, le travail de nuit peut également avoir un impact sur la vie sociale et familiale, entraînant une détérioration des relations interpersonnelles.

2. Horaires en rotation (2×8, 3×8) :

Les horaires en rotation, où les salariés alternent entre matin, après-midi, nuit peuvent également avoir des conséquences néfastes sur la santé.

Les changements fréquents de rythme circadien perturbent le sommeil et peuvent entraîner des problèmes de digestion, une diminution des performances cognitives et une augmentation du stress. Les salariés peuvent avoir du mal à s’adapter aux changements constants, ce qui peut entraîner une fatigue accrue et une baisse de la vigilance, d’autant plus que les entreprises adoptent de plus en plus les changements d’horaires tous les 2 jours, possiblement moins traumatiques pour les salariés, mais où il est impossible d’avoir un rythme.

3. Horaires irréguliers :

Les horaires irréguliers, où les salariés ont des horaires de travail variables d’un jour à l’autre ou d’une semaine à l’autre, peuvent également avoir un impact sur la santé.

La difficulté à planifier et à prévoir les horaires peut entraîner une instabilité du sommeil, des problèmes de gestion du temps et une augmentation du stress. Les salariés peuvent également avoir du mal à maintenir un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, ce qui peut entraîner une détérioration de leur bien-être général, surtout si les planning de travail ne sont pas connus à l’avance. Idéalement les planning doivent être communiqués au moins un mois et demi à l’avance pour que les salariés puissent organiser leur vie professionnelle et personnelle.

4. Les excès du nombre d’heures :

Hebdomadaire :

Une étude publiée en 2015, sur le site d’information scientifique The Lancet affirme que le risque d’AVC (accident vasculaire cérébral) et de maladie coronarienne augmenterait proportionnellement avec la durée du travail. Les recherches portent sur une cohorte de 603 838 salariés originaire de plusieurs pays.

Les résultats :

Données de la DARES : en 2022, l’ensemble des actifs travaillent en moyenne 37,1 heures/hebdomadaire. Les non-salariés travaillent 48,1 heures par semaine.

Un temps de travail prolongé, qui correspondrait à plus de dix heures par jour au moins 50 jours par an, peut représenter un risque de survenue de maladies cardio-vasculaires ou d’accidents vasculaires cérébraux (AVC).

synthèse de l’étude CONSTANCES (publiée le 20 juin 2019 dans Stroke), avec les facteurs de risque associés :


Étude : Longues journées de travail & AVC

D’après l’étude de Association Between Reported Long Working Hours and History of Stroke in the CONSTANCES Cohort, Revue Stroke, American Heart Association, 20 juin 2019
Echantillon : 143 592 adultes français (18 à 69 ans)


Résultats clés

  • 1 224 AVC recensés (0,9 % des participants)
  • Exposition ≥10 h/jour, ≥50 jours/an :
    • 29,6 % des participants
    • Risque d’AVC augmenté de 29 %
  • Exposition prolongée ≥10 ans :
    • 10,1 % des participants
    • Risque d’AVC augmenté de 45 %

Facteurs de risque associés

L’étude a pris en compte de nombreux facteurs de confusion et de risque cardiovasculaire, incluant :

FacteurEffet sur le risque d’AVC
Hypertension artérielleFacteur de risque majeur, fortement corrélé à l’AVC
TabagismeAssocié à un risque accru de maladies cardiovasculaires
Obésité / IMC élevéContribue aux AVC ischémiques notamment
SédentaritéCorrélée au risque d’AVC, aggravée par longues journées assises
DiabèteDouble le risque d’AVC dans certaines études
Stress professionnelParticipe aux mécanismes de l’AVC par voie neuro-endocrinienne
Privation de sommeilFréquente chez ceux travaillant trop longtemps
AlcoolExcès = facteur aggravant (non spécifique à cette étude mais souvent lié)

L’étude a ajusté les résultats statistiques en fonction de ces facteurs, ce qui renforce la solidité du lien entre longues journées de travail et AVC, indépendamment des autres risques.


Types d’AVC : précisions

  • L’étude ne distinguait pas spécifiquement entre AVC ischémiques (causés par un caillot) et AVC hémorragiques (rupture d’un vaisseau).
  • Mais d’après d’autres publications, les AVC ischémiques sont les plus sensibles aux facteurs professionnels chroniques comme :
    • stress,
    • hypertension,
    • inactivité physique,
    • alimentation déséquilibrée.

À retenir

  • Le temps de travail excessif, surtout s’il est répété sur plusieurs années, constitue un facteur de risque cardiovasculaire modifiable.
  • Les travailleurs jeunes et les cadres sont particulièrement concernés.

Travail en 12h

En comparaison avec les postes de 8 heures, des effets spécifiques sur la santé ont été mis en évidence chez les salariés soumis à ces postes longs. On observe en effet une augmentation :

  • de la prise de poids,
  • des erreurs susceptibles d’être à l’origine d’incidents ou d’accidents,
  • de la survenue d‘accidents de travail et de trajet,
  • des pratiques addictives,
  • des pathologies lombaires.

Une interrogation reste sur la vigilance du salarié durant 12h de travail.

Tous ces horaires entraînent de la désynchronisation des salariés, qui ne se manifeste pas toujours par des troubles cliniques. Mais elle est mal tolérée : fatigue persistante, troubles du sommeil, modification du caractère, troubles de l’attention…

Il est important de noter que chaque individu réagit différemment aux horaires atypiques et que les effets sur la santé peuvent être influencés par des facteurs individuels tels que l’âge, le sexe, la condition physique et les habitudes de vie.

Cependant, certaines tendances générales peuvent être observées :

Lors du travail de nuit, le taux de fréquence AT baisse, par contre le taux de gravité augmente

L’absence de 48h de repos hebdomadaire, augmente le risque d’AT de 40%.

Au-delà de 50 heures hebdomadaires, le taux d’AT est plus que doublé. Au-delà de 39H/semaine, le taux d’incidents est 2,4 fois plus fréquent.

Selon de nombreuses études, le travail de nuit est considéré comme le plus nocif pour la santé. Par exemple, une méta-analyse publiée dans la revue Sleep en 2015 a examiné les effets du travail de nuit sur la santé et a conclu que cela augmentait le risque de troubles du sommeil, de maladies cardiovasculaires, de troubles métaboliques et de certains cancers.

Une autre étude publiée dans la revue Occupational and Environmental Medicine en 2016 a également montré que le travail de nuit était associé à un risque accru de maladies chroniques telles que le diabète de type 2.

Concernant les horaires en rotation et les horaires irréguliers, les études ont montré que ces horaires peuvent perturber le sommeil, augmenter le stress et entraîner des problèmes de digestion.

Il convient également de noter que les effets sur la santé peuvent varier d’une personne à l’autre en fonction de facteurs individuels et du rythme circadien « naturel ».

Les risques avérés

Les horaires atypiques, particulièrement le travail de nuit :

– constituent un facteur de risque pour les travailleurs. Suite à la perturbation du rythme biologique, la dette de sommeil, lorsqu’elle devient chronique, entraîne une baisse de vigilance pouvant être source d’accidents (ex : les accidents de la route nocturnes entre le lieu de travail et le domicile ne sont pas plus fréquents mais plus graves).

– favorisent l’apparition de certaines pathologies (troubles digestifs, stress, syndromes dépressifs, maladies cardiovasculaires)

– contribuent à l’usure prématurée des salariés.

Des conséquences sur la vie sociale : sentiment d’isolement, désocialisation, difficulté à conjuguer vie privée et vie personnelle.

Des conséquences sur la vie professionnelle : on constate moins d’évolution de carrière, accès aux formations plus difficile, une baisse de vigilance des salariés qui occasionnerait plus d’accident de travail (y compris les accidents de trajet).

Exemple : un salarié qui embauche à 5h, qui habite à 50mn de son travail, se lève à 3h du matin et rentre chez lui vers 14h.

Le risque d’accident de trajet augmente avec la durée de poste (> à 10H), trajet « aller et retour » avant un poste de matin et lors des trajets retours après un poste de nuit.

Etude CESE 2010 précise que le recours au travail de nuit doit répondre uniquement à des impératifs économiques liés à la viabilité de l’entreprise.

Ce rapport se positionne pour :

  • un repos compensateur de 8% du temps de travail. (Certains accords de branche ou entreprises privilégient les majorations de salaires).
  • La mise en place d’une surveillance médicale renforcée.

Une véritable progression sociale serait d’en faire uniquement lorsque c’est nécessaire, de veiller à réduire chaque année le nombre d’heures atypiques réalisées.

Des études révèlent que, plusieurs années après, l’état de santé des ouvriers ayant travaillé de nuit ou en « 3×8 » est dégradé par rapport à ceux ayant toujours eu des horaires standards.

Le rythme circadien (contrôlant l’alternance veille-sommeil) qui régule de très nombreuses fonctions biologiques, est altéré chez les personnes travaillant la nuit ou avec des horaires décalés.

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer les associations observées entre le travail de nuit et le cancer du sein :

– l’exposition à la lumière durant la nuit qui supprime le pic nocturne de mélatonine et ses effets anti-cancérigènes,

– la perturbation du fonctionnement des gènes de l’horloge biologique qui contrôlent la prolifération cellulaire,

– ou encore les troubles du sommeil pouvant affaiblir le système immunitaire

Les conséquences sont à la fois :

– sur la santé des travailleurs (troubles du sommeil, accidents cardio-vasculaires, obésité, travail de nuit débouchant après une longue période sur des cancers du sein, de la prostate, etc.),

sur la qualité du travail (risque d’erreurs)

sur la qualité des conditions de vie au travail

– sur la vie privée du salarié, les salariés s’épuisent et ne bénéficient pas d’un temps de repos suffisant pour la récupération altérant les relations.

Le travail poste et/ou de nuit impacte la durée du sommeil, ce qui entraîne un déficit chronique (soit 1 à 2h/jour en moins). Le sommeil de journée est de moins bonne qualité (bruit, chaleur en été, plus court, morcelé…). Le travail de nuit ou décalage horaire favorise la désynchronisation entre rythmes biologiques et rythme imposé par les horaires de travail.

Conséquence : trouble du sommeil, somnolence, diminution de la vigilance, ce qui multiplie par 2 le risque d’accident du travail.

Le travail de nuit est classé par le (CIRC) comme cancérogènes probables pour l’homme, notamment chez les femmes et plutôt celle ayant travaillé 4 ans de nuit avant leur 1ère grossesse. Le travail de nuit et/ou posté entraîne des risques d’avortement spontané, accouchement prématurés, retard de croissance intra-utérine.

D’autres études font des liens entre travail de nuit et cancer prostate et colon.

Il existe une augmentation du risque maladies cardiovasculaires, d’hypertension artérielle, surpoids, élévation taux de cholestérol et triglycéride. Autres facteurs, favorise l’augmentation de consommation de tabac, inactivité physique, prise alimentaire anarchique qui peut entraîner des troubles digestifs (de type ulcère).

Le travail de nuit et/ou poste entraîne une baisse de performance cognitive (mémoire, langage) et favorise les états dépressifs et anxieux.

Les risques probables

Ils sont représentés par les effets sur la santé psychique, sur les performances cognitives, sur l’obésité et la prise de poids,  ainsi que le diabète de type 2 et les maladies coronariennes (ischémie coronaire et infarctus du myocarde).

Les troubles de l’humeur, l’augmentation de la dépression, de l’anxiété, de l’irritabilité, ainsi que des troubles de la personnalité sont fréquemment rapportés par les travailleurs de nuit. A leur origine, pourraient être incriminés l’altération du système circadien, le manque de sommeil  et aussi les facteurs de risques psychosociaux liés à cette organisation du travail. La baisse des performances cognitives (mémoire, langage) serait surtout affectée à la privation de sommeil durant la période précédant la prise du poste de nuit.

Lors du travail de nuit, la désynchronisation de l’horloge circadienne associée au manque de sommeil seraient à l’origine de la prise de poids et de l’obésité. Quant au diabète de type 2, son apparition serait fonction de la durée d’exposition au travail de nuit.

Le travail de nuit exposerait à un risque cancérogène.

Les risques possibles

Les dyslipidémies, l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux représentent des effets possibles sur la santé liés au travail de nuit. En effet, il existe de nombreuses imprécisions et limites méthodologiques concernant les études scientifiques à leur sujet et qui ne permettent donc pas de conclure de façon plus affirmative quant à l’existence d’un lien avec le travail de nuit. 

Autres troubles

Des études mettent en évidence un lien avec l’apparition de douleurs au niveau de l’estomac (pathologies de type ulcéreux).

De la fatigue : le travail de nuit est à l’origine d’une « sur fatigue » qui peut provoquer à long terme une usure prématurée de l’organisme et une dégradation précoce de l’état de santé

D’où l’importance :

– d’évaluer et de caractériser les variations rythmiques sur les risques d’accidents (travail et trajet),

– de comprendre les rythmes et leurs impacts,

– de choisir les horaires exposant le moins la santé des salariés,

– de conduire des actions de prévention : en évaluant, en réduisant l’exposition aux salariés, en choisissant les horaires les moins impactant, en instaurant des temps de repos suffisant…

  • Il faut toutefois associer horaires de travail et organisation du travail,
  • Les accidents de travail survivent plus sur les 1ère équipe de travail en journée, lorsque les équipes sont en effectif réduit, effectif peu polyvalent,
  • Il est préférable d’évaluer les habitudes circadiennes de chaque salarié afin de leur proposer les horaires qui les perturbent le moins possible,
  • Il semble que lorsque le salarié accepte des horaires atypiques, il les accepte mieux et les effets sur la santé sont modérés puisque la contrainte psychologique est plus faible, le salarié prend en compte sa vie professionnelle et sa vie privée,
  • Informer les salariés des effets pathogènes de ces horaires, faire une information spécifique aux femmes n’ayant pas encore eu d’enfants,
  • De travailler avec le médecin du travail
  • Organiser une concertation collective : salariés, employeurs, médecin du travail et instances représentatives du personnel
  • Privilégier des rotations très courtes (2 jours/nuit maximum) plutôt que l’instauration d’un travail type 3X8 qui oblige le système circadien à des re-phasages tous les 5 jours/nuits et expose périodiquement l’organisme à des états de désynchronisation interne,
  • Favoriser le maximum de week-end de repos,
  • Proposer une équipe de nuit permanente,
  • Raccourcir la durée des postes de nuit,
  • Privilégier les jours de repos après les postes de nuit de préférence,
  • Insérer les pauses appropriées pour les repas, pour le repos et la sieste. Cette dernière doit être courte de moins de 30 minutes,
  • Il est également important de limiter le nombre excessif d’heures de travail, en veillant à respecter les limites légales et en encourageant les pauses régulières,
  • Adapter l’environnement lumineux : prévoir une exposition à une lumière d’intensité assez importante avant et/ou en début de poste puis la limiter en fin de poste,
  • Rendre possible le retour en horaires classiques,
  • Informer les salariés sur les effets sur la santé de ce type d’horaire, donner des conseils sur l’hygiène de sommeil et de vie,
  • Prévoir des lieux de pauses confortables, avec un éclairage tamisé où les salariés peuvent aller en cas de fatigue avant de partir sur la route,
  • Faire la promotion d’une alimentation équilibrée, en fournissant des repas sains,
  • Tenir compte l’âge, le sexe des salariés. Les femmes sont plus vulnérables (étude INSERM Cécile sur le travail de nuit et cancer du sein chez la femme). Au Danemark, le cancer du sein est reconnu comme maladie professionnelle chez certaines travailleuses de nuit depuis 2007).
  • Prendre en compte les souhaits individuels : des ressentis différents ; une négociation doit se faire sur le compromis en tenant compte de ce qui importe le plus pour un salarié le ressenti est fonction de là où l’on place ses priorités.

Il est donc essentiel de mettre en place des mesures de prévention pour atténuer les effets néfastes des horaires atypiques sur la santé des salariés.

Cela se traduit par une véritable volonté de tendre à les réduire, à s’engager afin de limiter la fréquence des horaires atypiques.

La prévention des risques liés aux horaires atypiques est essentielle pour protéger la santé des travailleurs. En mettant en place des mesures vous pouvez atténuer les effets néfastes sur la santé. Il est temps de reconnaître l’importance de cette prévention et de prendre des mesures pour garantir aux salariés soumis à des horaires atypiques que leur santé est préservée.

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