Comment les facteurs psychosociaux affectent la santé ?

par | Fév 25, 2025 | Méthodologie de prévention

L’étude INRS présente une mise à jour sur les impacts des expositions psychosociales sur la santé des salariés.

A travers les modèles de Karasek, Siegrist et l’étude internationale sous la direction de Gollac sont analysés, les liens entre facteurs psychosociaux et impacts sur la santé. Une synthèse est présentée dans un tableau, précisant les relations entre expositions psychosociales et effets sur la santé, avec un focus santé mentale et physique.

Quand le travail met la santé en danger

Les mutations du monde professionnel ont transformé le travail, elles ont permis l’exposition des salariés aux risques liés aux facteurs psychosociaux (RPS).

Stress, autonomie, relations ou encore la charge de travail : ces facteurs, souvent invisibles, peuvent avoir des conséquences majeures sur la santé physique et mentale des salariés.

La prévention des RPS s’impose comme un levier essentiel pour garantir des conditions de travail épanouissantes et productives.

D’après l’étude publiée dans « Références en Santé au Travail » en décembre 2024, elle nous offre une vue d’ensemble complète sur ces risques souvent invisibles mais aux conséquences bien réelles.

Un problème aux multiples facettes

Les facteurs psychosociaux au travail ne se limitent pas au simple « stress ».

Les RPS regroupent un ensemble de contraintes organisationnelles et relationnelles susceptibles d’affecter la santé des salariés. Selon la classification de Gollac, ils se répartissent en six grandes familles

  1. Intensité, temps de travail et complexité du travail : charge de travail élevée, interruptions fréquentes, temps de travail prolongé, difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle.
  2. Exigences émotionnelles : nécessité de maîtriser ses émotions, exposition à des violences externes
  3. Autonomie : latitude décisionnelle limitée, impossibilité d’utiliser ses compétences, impossibilité de gérer son travail de manière autonome
  4. Rapports sociaux : manque de soutien, faibles récompenses, violences internes, injustice organisationnelle, conflits interpersonnels
  5. Conflits de valeurs : conflits éthiques, conflits de rôles, sentiment de devoir réaliser des tâches contraires à ses convictions personnelles ou professionnelles, injonction
  6. Insécurité de la situation de travail : peur de perdre son emploi ou de voir ses conditions se dégrader

Impacts sur la santé : des facteurs multiples et interdépendants

La synthèse épidémiologique réalisée par S. Boini, R. Colin et leurs collègues de l’INRS révèle des liens solides entre ces expositions et plusieurs problèmes de santé.

Les expositions prolongées à ces risques peuvent entraîner des effets délétères sur la santé des salariés. Les études épidémiologiques compilées mettent en évidence des liens solides entre les RPS et diverses pathologies.

Ces conséquences ne se limitent pas à la santé des salariés : elles impactent aussi la performance globale des entreprises, entraînant absentéisme, baisse de productivité, difficulté à recruter et turn-over accru.

Santé mentale

La santé mentale est particulièrement touchée par les expositions psychosociales. Des liens avec un niveau de certitude élevé ont été établis entre :

  • La demande psychologique élevée et le burnout (risque multiplié par 2,53)
  • Le manque de latitude décisionnelle et les troubles dépressifs (risque augmenté de 37%)
  • Les violences internes et la dépression (risque accru de 81%)
  • Exemple : Dépression, anxiété, burnout, troubles du sommeil, idées suicidaires

Troubles Musculosquelettiques (TMS)

Les TMS, souvent considérés uniquement sous l’angle biomécanique, sont également influencés par des facteurs psychosociaux :

  • Le temps de travail prolongé augmente le risque de TMS du dos de 62%
  • Le manque de soutien social accroît de 42% le risque de TMS du dos
  • L’insécurité de la situation de travail est associée à un risque augmenté de 43% pour les TMS du dos
  • Exemple : Douleurs au dos, aux épaules, aux membres supérieurs et inférieurs.

Maladies cardiovasculaires

Les cardiopathies ischémiques et les AVC sont également liés à certaines expositions :

  • La demande psychologique élevée augmente le risque de cardiopathies ischémiques de 12%
  • Le temps de travail prolongé (>48h/semaine) accroît le risque d’AVC de 21%
  • L’insécurité de l’emploi est associée à une augmentation de 32% du risque de cardiopathies ischémiques
  • Exemple : Hypertension, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux

Des combinaisons dangereuses

L’étude souligne également que les combinaisons de facteurs de risque sont particulièrement nocives :

  • Le job strain (combinaison d’une forte demande psychologique et d’un faible contrôle) augmente significativement les risques pour la santé mentale, les TMS et les maladies cardiovasculaires
  • Le déséquilibre effort récompense (efforts élevés pour de faibles récompenses) accroît également les risques de problèmes de santé

Mais également plus d’accidents de travail

Les études montrent que la survenue d’accident de travail est associée à plusieurs facteurs psychosociaux, notamment le manque de soutien social.

Exemple : Consommation excessive d’alcool, tabagisme, inactivité physique, fatigue, perte de vigilance.

D’où l’importance de la prévention

Au-delà de l’obligation légale, les conséquences peuvent être graves pour les salariés il faut non seulement de protéger les salariés, mais aussi de favoriser une ambiance permettant de travailler avec un climat de confiance et de sécurité.

C’est un investissement dans le capital humain de l’entreprise. Un employé en bonne santé est plus productif, plus engagés et, les bénéfices pour l’entreprise se voient.

Le meilleur outil est l’évaluation des risques

La première étape essentielle en matière de prévention comme pour tous les autres risques, s’est d’évaluer les risques liés aux facteurs psychosociaux.

Cela peut être réalisé à travers des enquêtes, des groupes de discussion, l’analyse des indicateurs de santé au travail, utilisation de l’outil RPS-DU de l’INRS. Cette évaluation doit permettre de comprendre ce qui se passe dans les situations de travail, d’identifier les dangers et les expositions aux facteurs psychosociaux afin d’adapter les mesures de prévention.

Définir des actions de prévention

Face à cette évaluation, la prévention des risques psychosociaux devient évidente de savoir sur quoi il faut agir et doit devenir une priorité pour les entreprises.

Les axes communément identifiés :

L’organisation du travail

Les expositions psychosociales perçues par les salariés sont déterminées par l’organisation mise en place au sein de l’entreprise.

Il est donc essentiel d’identifier les facteurs organisationnels qui génèrent ces risques dans les situations de travail et d’agir :

  • Organisation du travail : charge, rythme, interruptions, panne, absence, définition des rôles et missions, polyvalence, logiciels dysfonctionnant…
  • Relations professionnelles : travail en équipe, inciter le soutien social entre collègues et avec la hiérarchie, communication générale, communication des objectifs à atteindre, temps d’échange sur le travail, accueil des nouveaux, analyse des dysfonctionnements
  • Environnement physique : bruit, éclairage, température, avoir le matériel nécessaire pour exercer une activité (entretenu, aux normes), postures prolongées pénibles/fatigantes.
  • Autonomie : monotonie, ennui, adapté aux compétences, identifier les marges de manœuvre, développer les compétences (former)
  • Temps de travail : durée, adaptation charge et temps de travail, planifier le travail suffisamment à l’avance (équilibre vie professionnelle et personnelle), tenir compte des horaires de transports en commun.
  • Développer une approche participative : impliquer tous les acteurs de l’entreprise (direction, encadrement, représentants du personnel, salariés)
  • Être évaluée régulièrement pour mesurer son efficacité

Je ne traite pas ici :

Des formations à la gestion du stress, groupe de discussion, de médiation en cas de conflits, de suivi médical adapté, d’accompagnement psychologique individualisé, et encore moins de numéro vert « allo psy ».

Tout cela n’étant pas de la prévention !

Conclusion

Les connaissances épidémiologiques actuelles confirment l’importance de prendre en compte les facteurs psychosociaux dans la prévention des risques professionnels. Les liens établis entre ces expositions et la santé des salariés soulignent l’urgence d’agir.

Le document de l’INRS rappelle que la caractérisation des effets des expositions psychosociales doit se poursuivre, notamment par l’étude de la durée des expositions et des situations de multi expositions.

Prévenir les risques liés aux facteurs psychosociaux, c’est protéger la santé des salariés tout en optimisant l’entreprise.

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