Réaliser une évaluation des risques pertinente (DUERP) : 8 étapes pour agir

par | Mai 26, 2023 | Méthodologie de prévention

Podcast PREVPOURTOUS épisode #12

Dans une démarche de prévention, l’évaluation des risques est cruciale, les résultats de cette évaluation des risques sont formalisés dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

Cet article pose le cadre réglementaire, les évolutions de 2022 et les 8 étapes permettant de structurer et de devenir autonome sur l’évaluation des risques professionnels.

1/. CONTEXTE

Cadre réglementaire

La Loi n°91-1414 du 31 décembre 1991 (issue de la directive européenne de 1989) est une transposition de la directive cadre, qui introduit l’obligation d’évaluer les risques professionnels en entreprise.

Cette obligation a du être réaffirmé faute de non respect de cette loi par le Décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001, demandant de rédiger un document relatif à « l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ».

La circulaire du 18 avril 2002 est venue rappeler qu’il fallait y associer un plan d’action. Depuis ces textes ont été intégrés au code du travail.

L’évaluation des risques professionnels est de la responsabilité de l’employeur, il a l’obligation « d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » et de conduire des actions de prévention (articles L.4121-1 et L.4121-2).

Il est obligatoire pour toutes les entreprises à partir de 1 salarié quelque soi son statut (CDI, CDD, apprenti, intérimaire, stagiaire).

DUERP = Document unique d’évaluation des risques professionnels L’évaluation des risques doit comporter réglementairement les éléments suivants :

  • l’inventaire des dangers et résultat de l’évaluation des risques identifiés dans l’entreprise ;
  • la liste des actions de prévention des risques et de protection des salariés ;
  • DUERP : Document unique d’évaluation des risques professionnels les résultats de l’évaluation des risques doivent être retranscrits dans le DUERP pour répondre à 3 exigences :
    • cohérence : en regroupant sur un seul support, les données issues de l’analyse des risques auxquels les salariés sont exposés ;
    • commodité : réunir dans un seul document les résultats des différentes analyses des risques réalisées, facilitant ainsi le suivi de la démarche de prévention des risques en entreprise ;
    • traçabilité : conserver toutes les versions antérieures.

Ce document est dit unique pour 2 raisons :

– unique à chaque entreprise ;

– unique car il doit servir à centraliser l’ensemble des données en lien avec la santé et la sécurité des salariés (ex : fiches de données sécurité, notices de postes, restrictions médicales, rapports de contrôle…).

Évolutions prévues par la loi santé au travail

La loi du 2 août 2021 transpose l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la réforme de la santé au travail, qui est applicable depuis le 31 mars 2022. Ce n’est pas une grande réforme, très peu de changement en fait. Ce qui est écrit existait déjà pour la plus part des points.

Les nouveautés :

– le DUERP devra être conservé pendant une durée de quarante ans (censé représenter la durée d’une carrière professionnelle). L’employeur devra par ailleurs déposer son DUERP et ses mises à jour sur un portail numérique. La conservation du document unique et de ses mises à jour sera obligatoirement réalisée sur la plate-forme numérique nationale et interprofessionnelle. Il n’y a pas d’obligation à conserver les versions du DU antérieures au 31 mars 2022.

– Mise à disposition du DUERP pour les anciens travailleurs : afin de prendre en compte les situations de poly expositions à plusieurs agents chimiques, dans le futur de nouveaux critères pourraient être rajoutés.

– Désignation d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes pour les entreprises de moins de cinquante salariés.

2/. Le Document Unique d’Évaluation des Risques professionnels

L’objectif est d’identifier les risques auxquels les salariés sont exposés, en vue de mettre en place des actions de prévention pertinentes afin de garantir la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail.

Les 8 étapes pour réussir cette démarche

Étape 1 : l’engagement de la direction

La direction est responsable de cette évaluation mais c’est aussi elle, qui impulse la dynamique de la démarche d’évaluation des risques. L’engagement de la direction permet de garantir la réussite, la pérennité et la qualité de l’évaluation des risques.

Tout d’abord, la direction doit afficher clairement sa volonté de réaliser une évaluation des risques, de définir les moyens mis en œuvre (ressources, méthodologie, organisation…).

La direction s’engage sur des objectifs à atteindre, les moyens, les modalités d’organisation (méthodologie) et la communication associée.

Ici, je ne parle que de l’évaluation des risques réalisée en interne, si vous avez choisi d’acheter une prestation à minima assurez vous que toutes ces étapes soient satisfaites.

Etape 2 : Découpage de l’entreprise en unité de travail

Cette étape est prévue au code du travail, l’entreprise doit être découpée en unité de travail.

On définit comme on veut les unités de travail. Par expérience, je peux affirmer que cette étape qui est souvent banalisée, délaissé, qui paraît simple, est l’étape la plus difficile. Je m’explique, on est tenté de découper son entreprise : en métier, en poste de travail, en service…

Puis, on se retrouve avec une multitude de pages dans son document, avec des risques qui se répètent. Et quand on arrive à l’étape de mise à jour, c’est trop fastidieux, inexploitable, trop de travail et on repousse à le faire.

La qualité d’un DUERP n’est pas reconnue en fonction de son nombre de pages !

La circulaire n°6 DRT du 18 avril 2002 précise la notion d’unité de travail : « elle doit être comprise au sens large, afin de recouvrir les situations très diverses d’organisation du travail. Son champ peut s’étendre d’un poste de travail, à plusieurs types de postes occupés par les travailleurs ou à des situations de travail présentant les mêmes caractéristiques. De même, d’un point de vue géographique, l’unité de travail ne se limite pas forcément à une activité fixe, mais peut aussi bien couvrir des lieux différents (manutention, chantiers, transports, etc.). »

Je n’ai pas de recette magique, je peux juste vous conseiller de réfléchir, de faire plusieurs scénarios. Personnellement, je réalise les étapes 3 et 4 (ou reprenez le DUERP déjà existant dans l’entreprise), puis je regarde les similitudes, les doublons, les conditions similaires d’exposition, les mêmes dangers. Attention, il ne faut pas perdre en qualité et vérifier que tous les salariés sont bien rattachés à une unité de travail.

Et je procède ensuite au découpage de l’entreprise. L’essentiel, c’est qu’on doit retrouver tous les salariés, toutes les missions et toutes les tâches.

Etape 3 : Observer et analyser les situations de travail

Il s’agit de repérer les dangers dans les situations de travail. En petit groupe (2 à 3 personnes), en observant le travail réel, en questionnant les salariés, en faisant quelques films court ou photo. Il est de poser le cadre, n’oubliez pas à l’étape 1 nous avons parlé de la communication. Il faut expliquer au cadre de service et aux salariés, le travail qui va être réalisé « il est indispensable de travailler en confiance pour avoir l’évaluation la plus fidèle au travail réel ».

Pour chaque situation de travail, on repère les dangers, c’est à dire repérer « ce qui fait mal » et qui peut causer un dommage physique et/ou mental aux salariés.

La qualification des dangers est précieuse, c’est ce qui vous aide pour trouver des solutions.

Exemple : un écran d’ordinateur, un agent chimique, une posture de travail, une prise électrique… ne sont pas des dangers !

C’est également à cette étape que sont repérés les facteurs de pénibilité.

Évidemment tout ce qui renvoi à des contrôles obligatoires réglementaires n’ont rien à faire dans l’évaluation des risques et le DUERP.

Exemple : vous avez l’obligation de faire travailler les salariés sur des installations électriques conformes et vérifiées. Faire une vérification de votre installation électrique n’est pas une mesure de prévention, c’est une obligation réglementaire !

Une situation de travail qui ne présente pas de danger, ne doit pas figurer dans le DUERP.

L’analyse d’une situation de travail représente entre 2h et 4h de travail (de l’observation à la retranscription dans le DUERP). Un salarié ne fait jamais une tâche sans intérêt, si vous ne comprenez pas le pourquoi, ne juger pas et interroger le salarié, il vous donnera l’explication.

Si vous ne savez pas par quoi commencer, quelques idées :

– choisissez les postes difficiles (les salariés les connaissent !) ;

– les postes où il y a des plaintes, des absences, du turn-over ;

– là où sont les accidents du travail, les maladies professionnelles ;

– là où des investissements, des réaménagements sont prévus ;

– écouter les remonter des élus du personnel, des cadres, du CSE/CSSCT.

Étape 4 : Évaluer les risques et rédiger le DUERP

Pour chaque situation dangereuse, nous avons identifier les dangers. Maintenant, nous allons qualifier les risques.

Notions fondamentales

Particularité de l’article R4541-6 :
Pour l’évaluation des risques et l’organisation des postes de travail, l’employeur tient compte :
1° Des caractéristiques de la charge, de l’effort physique requis, des caractéristiques du milieu de travail et des exigences de l’activité ;
2° Des facteurs individuels de risque, définis par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l’agriculture.

Puis, estimer la gravité de ces risques, encore une fois c’est une étape réglementaire, on vous l’estimait comme vous voulez.

AUCUNE RÈGLE, faites simple ! Ce n’est pas une mesure scientifique, c’est un outil d’aide à la décision pour la direction. Pour faire simple, si le dommage (l’atteinte à la santé des salariés) est GRAVE, c’est FORT et donc PRIORITAIRE.

Habituellement, je retiens seulement 2 critères : gravité x fréquence d’exposition. Les critères de niveau de maîtrise, occurrence, niveau de protection n’apporte rien dans l’estimation du risque et même favorise la dilution, du coup des risques qui devraient être prioritaires ne le sont plus.

Pour rédiger le DUERP, ne cherchez pas l’outil parfait, il n’existe pas (même le plus cher). Ce n’est pas l’outil qui fait la qualité de votre DUERP, c’est la qualité de l’analyse des situations de travail de votre entreprise (chaque entreprise est unique), donc peu importe l’outil.

Le plus commun étant une présentation dans un tableur.

La circulaire n°6 DRT du 18 avril 2002 précise : cohérence, commodité et traçabilité.

Étape 5 : Définir les mesures de prévention

Pour chaque situation à risque identifiée, il va falloir définir des mesures de prévention, j’insiste sur « DES » car c’est rarement un problème = une solution.

Pour faire ce travail, je vous recommande de le faire en groupe pluridisciplinaire (salariés concernés, cadre de service, agent de maintenance, chargé sécurité…).

Vous présentez au groupe chaque situation dangereuse, les situations « prioritaires » c’est à dire qui répondent aux objectifs définit à l’Étape 1, définit comme étant prioritaire pour la direction. Et vous lancez un Brainstorming, ça fonctionne parfaitement, le groupe est puissant et riche de solutions !

Pour vous aider, l’article L.4121-2, vous donne les 9 principes généraux de prévention que vous devez respecter et appliquer.

Étape 6 : Élaborer le programme d’actions et le mettre en œuvre

Un plan d’action reprend toutes les mesures prévention, puis il définit les délais de mise en œuvre, la personne en charge, un budget.

Si vous disposez d’un CSE/CSSCT, ce plan est soumis à son avis.

Etape 7 : Former les salariés aux mesures de prévention décidées

Tout d’abord, chaque salarié doit connaître les risques auxquels il est exposé et connaître les mesures pour préserver sa santé.

Puis, l’employeur doit expliquer les mesures de prévention qui sont mises en place pour chaque situation de travail afin que les salariés puissent les appliquer.

Les salariés doivent être formés et informés des « nouvelles mesures de prévention » à appliquer pour protéger leur santé.

Je précise que les mesures définies dans le DUERP si elles respectent les 9 principes généraux et que les salariés ont été formés à ces mesures (réellement formé, avec un vrai temps dédié), elles doivent être appliquées, ça devient « du contrat de travail », qui visent à protéger la santé des salariés.

La formation des salariés au DUERP doit être adaptée à leur niveau de compréhension et de responsabilités.

A chaque mise à jour du DUERP, cette formation doit être renouvelée s’il y a des évolutions des risques et des mesures de prévention mises en place dans l’entreprise.

Etape 8 : Mise à jour, Mise à disposition

1/ Mise à jour

Selon le Code du travail français (article R.4121-2), l’employeur a l’obligation de réexaminer et, si nécessaire, de mettre à jour le DUERP au moins une fois par an. Cependant, cette fréquence minimale peut varier en fonction des changements survenus dans l’entreprise.

En effet, le DUERP doit être mis à jour à chaque fois qu’il y a des changements importants dans l’entreprise qui pourraient avoir un impact sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Si vous réévaluer votre DUERP à chaque exemple cité ci-dessus, votre DUERP va devenir un véritable outil de management de la sécurité dans votre entreprise. Vous en comprendrez l’intérêt et vous ne le verrez plus comme une contrainte.

Je suis convaincue que toutes les entreprises font des choses, mais ne savent pas le retranscrire sur le DUERP. La mise à jour du DUERP ne doit pas se contenter d’une simple mise à jour d’une date. Toutes les étapes ci-dessus doivent être re balayées. Une mise à jour régulière, sans attendre l’échéance annuelle est idéale.

2/ Mise à disposition

Le DUERP est tenue à disposition des salariés et des anciens salariés. Il doit être facilement accessibles. Depuis l’entrée en vigueur de l’obligation de conservation (expliqué en début de l’article) le DUERP doit être conservé durant au moins 40 ans à compter de sa date d’élaboration (accessible également aux anciens salariés).

Mais également : les élus du personnel et CSE, les inspecteurs du travail, les agents des services prévention de la sécurité sociale, les services de santé au travail et organismes professionnels, les inspecteurs de radioprotections (article R.4121-4 du Code du travail).

Il peut vous être demandé par votre expert comptable, l’URSSAF, la DREAL, l’HAS…

Pour conclure, résumons les conditions de réussite :

Il est important de noter que la réussite du DUERP ne se limite pas à la simple document, mais à l’évaluation du travail réel et à une réelle prise en compte des risques professionnels et la mise en place d’actions concrètes pour les prévenir.

Pour assurer sa réussite, la démarche d’évaluation des risques doit reposer sur une approche structurée, globale et participative.

  • Exhaustivité : Le DUERP doit être complet et couvrir tous les risques professionnels auxquels les salariés peuvent être exposés dans l’entreprise. Il doit prendre en compte les différents secteurs d’activité, les différents postes de travail et les différentes situations de travail.
  • Évaluation des risques : Le DUERP doit inclure une évaluation précise des risques identifiés. Cela implique de déterminer les dangers, la gravité des risques, ainsi que l’exposition des salariés. L’estimation des risques permet de hiérarchiser les actions de prévention à mettre en place afin de les prioriser.
  • Participation des salariés : Les salariés doivent être consultés lors de l’évaluation de leur situation de travail et associés à la recherche de solutions.
  • Mise à jour « régulière » : Le DUERP doit être régulièrement actualisé afin de prendre en compte les évolutions de l’entreprise, des postes de travail, des équipements, des processus et des réglementations. Une mise à jour annuelle est satisfaisante réglementairement, mais insuffisante.
  • Plan d’actions : Le DUERP doit inclure un plan d’actions précis et concret pour mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires. Ce plan doit définir les responsabilités, les délais et les moyens nécessaires pour chaque action.
  • Accessibilité et diffusion : Le DUERP doit être accessible à tous les salariés de l’entreprise. Il doit être diffusé et porté à la connaissance de l’ensemble du personnel. Les salariés doivent être formés aux risques auxquels ils sont exposés et des mesures de prévention à mettre en place.
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